Quitter une vie… pour ma vie.
Quel sentiment sauvage que de s’abandonner à la Vie
Cheryl Strayed
Tous les aspects de ma vie ont basculé le 26 novembre 2013. Ce mardi-là, j’apprends que ma fille s’est enlevé la vie. À l’âge de 26 ans, son amoureux la quittait et pour elle c’était la goutte qui faisait déborder son vase.
Pour moi ce fut un tsunami.
Ma vie d’avant
Ma vie, cette vie d’avant… je l’aimais. Des ateliers, des soins, des conférences sur un sujet qui me tenait à cœur. Qui me tient encore à cœur : l’autoguérison et notre guidance personnelle.
Mes filles étant adultes, j’avais beaucoup de temps pour partager mes connaissances, ainsi qu’une vie familiale et sociale très correcte.
C’est à ce moment que ma vie, que j’estime merveilleuse, bascule. Je me retrouve dans une souffrance que je reconnais. Je l’avais déjà »ressenti » chez quelques clients et je les accompagnais sans les prendre en charge ou les juger. Mais là, j’y touche. Tout mon être est devenu souffrance, vulnérabilité. Je me sens complètement perdue… en moi.
Quand je repense à ce moment, la souffrance, la peur de tout, je me dis qu’il était normal d’être dans cet état.
Et là je me suis mise à penser à ce que j’allais faire.
Je me suis sentie épuisée pendant plusieurs mois avec ce mot : Faire.
Je vivais une grande dualité face à ce mot.
Je me suis battue avec tous les jugements. Les miens, ceux de mes proches. Une bataille intérieure tellement féroce que j’ai eu peur de tomber malade, de vivre une autre défaite, car ce combat était dans mon cœur. Je me battais contre mon cœur, mon âme.
Un cœur qui s’était fermé, qui s’était construit une enveloppe indestructible pour ne pas souffrir à nouveau. Ce n’était pas la première fois que ça m’arrivait, mais à un niveau moins fort. Cette bataille me faisait tellement souffrir.
Ce n’était pas un conflit d’idées ou de choix, mais bien un de cœur. Un cœur qui essayait de reprendre son pouvoir. Son pouvoir d’amour.
Ce pouvoir que j’ai à m’aimer entièrement dans toute mon intégrité, dans toutes mes sphères. J’ai pris le temps, essayé en douceur, en visitant ma part d’ombre et de lumière. Jusqu’au moment où je ne pouvais plus, car rien ne montait en moi.
Cesser de me battre contre moi-même
Et puis l’idée d’arrêter de me battre, de tout arrêter pour laisser venir, laisser s’installer en moi la joie d’Être qui je suis réellement, sans artifice, sans mots, sans blabla.
Quelques mois de ces cinq dernières années qui m’ont permis de profiter de moi, de mon temps à moi.
C’est un choix, une décision prise au début avec nonchalance, en ne sachant aucunement ce qui suivrait et puis avec le temps, avec amour.
J’aimerais que cette quiétude demeure en moi. C’est un grand travail d’installer la paix dans mon cœur, de l’apaiser.
Suite aux quelques mois d’arrêt, certaines choses se sont installées dans ma vie, dont une nouvelle vision pour un possible travail. Je vois très bien la raison de ce mouvement. Je le vois et je l’accepte. Je ne le fuis pas tout en étant consciente que tout désordre est dérangeant.
Mais si je regarde plus loin, mes désirs profonds, alors je comprends et cela devient plus facile.
Je n’ai pas souvent pensé comme ça. Viser plus haut, plus loin et en être heureuse.
J’avais peur, j’imagine, de mon pouvoir. Peur de ce pouvoir d’amour qui fait partie de moi. Un coin oublié de mon cœur. Peur de m’aimer plus que j’aime les autres, plus que je t’aime Toi. Peur de vivre.
J’ai réalisé que toutes mes peurs étaient dissimulées sous un masque qui m’empoisonnait la vie. J’ai maintenant ce sentiment que plus jamais je ne serai seule à me battre. Cette guerre contre mon cœur, je n’en veux plus.
Je prends la décision de ne plus me faire la guerre.
J’ai été bien guidée toute ma vie, je le suis beaucoup plus maintenant.
À présent, je vois un peu plus ce que j’incarne. J’ai reconnu et accepté, même pardonné tous les actes et réactions d’avant. Les miens et ceux des autres. Ça ne veut pas dire que je n’aurai plus à le faire. Ce sera plus simple, moins douloureux, plus facile.
J’aime réellement ce qui m’habite, qui m’a toujours habité. Ma Liberté.
Comme un besoin de liberté
Pendant ce temps de pause un souvenir est monté. J’étais dans la vingtaine et une amie me regarde et me dit tout bonnement » Dominique, tu es un libre penseur ».
Alors voilà, je suis un libre penseur, je l’ai toujours été.
La liberté…
Pendant quelques années j’avais oublié ce que j’étais vraiment, ce qui m’animait. Maintenant cela devient plus clair, plus tangible.
Mon cœur est souvent libre de toutes les blessures que mes peurs et mes discussions intérieures ont installées.
À certains moments, la peur remonte. La meilleure façon de me recentrer est la méditation. Alors je n’attends pas, je médite, je me recentre.
Et quand je ferme les yeux, que je respire, je me retrouve dans mon monde intérieur, dans mon cœur. À ce moment-là je rencontre l’être que je suis vraiment. Et très souvent une connexion toute spéciale, toute douce et subtile se produit avec Tania. Un magnifique cadeau.
La suite je ne la connais pas. Et j’aime ça.
Je sais qu’elle sera merveilleuse, car ce sera Ma Suite, Ma Vie.
Quel sentiment sauvage que de s’abandonner à la Vie
Cette citation est magique (provient du film Wild de Jean-Marc Vallée)
Je prévois le faire, différemment. Ça a toujours été dans mes désirs les plus profonds.
J’ai déjà commencé.

Dominique Gagné partage son cheminement vers la paix suite à la mort par suicide de sa fille Tania, le 26 novembre 2013. Ainsi, plutôt que de cultiver la colère, le ressentiment, la honte et la culpabilité qu’une personne endeuillée par suicide peut ressentir, elle s’est choisie. Elle donne des conférences et ateliers où l’ont apprend la résilience et le pardon en donnant un sens aux événements afin de grandir pour ainsi laisser plus de place à l’harmonie, l’amour et la douceur et ainsi nourrir ce qui nous rend heureux.
Elle a également publié, en février 2017, un recueil intitulé Sans Frontières, dans le cadre de la Semaine nationale de prévention du suicide. Le recueil a permis aux vingt-six auteurs endeuillés par suicide ou ayant eu des pensées suicidaires de partager non seulement leur souffrance, mais aussi leurs solutions personnelles afin de retrouver l’amour, la paix et la joie. Le livre est un magnifique outil de guérison et de lumière, dans cette période sombre de la vie.